Relevés piézométriques de l’aquifère karstique d’Otavi – analyse des données par calcul de l’efficacité barométrique.
Les principales méthodes permettant d’identifier et d’éliminer les effets de la pression barométrique dans les aquifères confinés et non confinés sont connues. Bien qu’il soit établit que les variations de la pression barométrique peuvent influer sur les mesures de niveaux d’eau, peu d’articles et de procédures permettent de gérer correctement les données piézométriques.
Connaître l’efficacité barométrique réduit les erreurs de calcul des surfaces piézométriques ainsi que les écarts des piézomètres lors des tests de pompage. Stallman (1967) a également suggéré que le mouvement de l’air à travers la zone non saturée et le décalage de pression qui en résultait pourraient aider à mieux décrire les propriétés d’un aquifère. Rasmussen et Crawford (1997) ont décrit la manière dont l’efficacité barométrique varie dans le temps dans certains aquifères, et la façon de calculer la fonction de réponse barométrique correspondante. Ils ont également montré que ce dernier paramètre est lié au degré de confinement de l’aquifère. Dans cet article, nous présentons une application de cette procédure dans un aquifère karstique non confiné situé dans le nord de la Namibie (monts Otavi), où quatre transducteurs absolus ont enregistré les variations des niveaux d’eau et les marées, pendant une période de 10 mois à 1 heure d’intervalle.
Cadre général
La zone à l’étude se situe dans la partie sud-est d’un plateau de 6 000 km2, à une altitude moyenne de 1 300-1 500 m, sur des collines atteignant 2 000 m d’altitude (voir ci-dessous).
Les formations rocheuses sont constituées d’épaisses couches calcaires dolomitiques et de stromatolithes (500 ans AA). Les strates ont été pliées en plusieurs synclinaux et anticlinaux généralement orientés est-ouest. La partie sud de la zone d’étude est bordée par une longue faille, avec diverses occurrences minérales (cuivre, vanadium, plomb, zinc). En raison de la fracturation élevée, de la faible couverture végétale et du manque de terre, le ruissellement superficiel est presque nul. Deux bassins d’eau naturelle (des dolines effondrées), de 100 à 200 m de large, sont situés plus au nord et en dehors de la zone du projet. La pluviométrie annuelle moyenne est de 540 mm (1926-1992), avec des pics au cours de l’été et entre décembre et mars. Depuis le milieu des années 70 et jusqu’en 2000, la région a connu une chute des précipitations qui, associées à l’activité minière (mines de Kombat, Tsumeb et Abenab), ont été responsables de l’abaissement de la nappe phréatique (jusqu’à 20-30 m à certains endroits).
Depuis 2005, cette tendance s’est inversée en raison de la réduction de l’activité minière et d’un nouveau régime météorologique.
Cadre hydrogéologique
Cette région est bien connue pour ses caractéristiques karstiques, et elle abrite de vastes lacs souterrains situés entre 70 et 120 m sous la surface du sol.
La zone est également classée comme l’un des aquifères les plus importants du pays (Département de l’hydrologie du Ministère de l’agriculture, de l’eau et du développement rural, zones E-F). Afin de recueillir des informations utiles dans cet environnement particulier et de localiser d’autres emplacements pour les forages d’eau, nous avons préparé deux cartes piézométriques (2007-2010) et installé 4 dans des points d’eau situés entre 2 et 4 km de la ferme Harasib (voir Illustration 2).
Illustration 2: Carte piézométrique (février 2007) et emplacements de trois enregistreurs de niveau d’eau.
La surface piézométrique de 2007 montre une zone de recharge, coïncidant avec les sommets topographiques et les infiltrations de pluie. De ce point, les directions d’écoulements souterrains sont sud-ouest et sud-est. Au cours de cette étape, nous avons concentré nos recherches pour définir :
- Le type d’aquifère.
- Les connexions aquifères entre le lac Harasib et le lac du Souffle du Dragon.
- Les zones de recharge.
Des analyses chimiques des eaux de surface et des eaux profondes ont été effectuées en 2007, tandis que des lectures continues de la pression barométrique et des niveaux d’eau ont été effectuées sur une période de dix mois, de septembre 2010 à juin 2011. La recharge de l’aquifère commence lorsque les précipitations cumulatives dépassent 400 à 500 mm. L’épaisseur de la partie non saturée varie de 40 à 100 m. Considérant que cette valeur est proche de la pluviométrie annuelle moyenne et que cet aquifère est karstique et très fracturé, il convient de noter qu’une ou deux années de faibles précipitations sont suffisantes pour réduire considérablement le rendement exploitable.
L’efficacité barométrique et la fonction de réponse barométrique
Illustration 3: Valeurs de la période sèche (septembre – décembre).
Les mesures de niveau d’eau ont été analysées avec le logiciel BETCO (Laboratoires Sandia) afin d’éliminer les effets des changements de pression barométrique. Les valeurs mesurées et corrigées sont présentées dans l’Illustration 3 et se réfèrent à la période sèche (septembre – décembre), tandis que l’Illustration 4 montre les variations de la pression barométrique en fonction des niveaux d’eau qui sont utilisées pour le calcul du rendement barométrique.
Illustration 4: Différences entre les pressions barométriques et les niveaux d’eau pendant la période sèche (sept. – déc. 2010).
Dans tous les exemples, nous remarquons que:
- Il existe une corrélation entre les valeurs mesurées et corrigées, même si l’amplitude est faible.
- Il y a toujours une variation qui diminue dans les valeurs corrigées ; ce phénomène pouvant être attribué à d’autres effets non barométriques (marées terrestres, double porosité).
- Les valeurs initiales de l’efficacité barométrique sont assez similaires (0,55 – 0,61).
L’illustration 5 représente la fonction de réponse barométrique. Cette fonction caractérise la réponse des niveaux d’eau sur la durée, jusqu’à un changement graduel de la pression barométrique. La fonction de réponse barométrique est essentiellement une fonction de temps écoulé depuis la charge imposée.
Illustration 5: Fonctions de réponse barométrique des trois points d’eau. La similarité des courbes (notamment celles du lac du Souffle du Dragon et du lac Harasib) suggère un aquifère non confiné et un éventuel facteur de double porosité.
Une concordance est observée sur les trois points d’eau. Par exemple, le lac du Souffle du Dragon présente une augmentation rapide à 0,5 et une décroissance à long terme à une valeur inférieure (0,2 à 0,3 après 20 heures), en raison du lent passage de l’air à travers les fractures. L’équilibre entre la pression externe et l’aquifère est atteint à une valeur de 0,1.
La forme des trois courbes indique un aquifère non confiné avec de bonnes liaisons hydrauliques, en particulier entre le lac du Souffle du Dragon et le lac Harasib (ce dernier étant à une distance de 2 km).
Cette corrélation a également été prouvée par des analyses isotopiques et chimiques effectuées en 2007 (Pr. Franco Cucchi, département de géologie, université de Trieste).
Les données recueillies confirment le comportement non confiné de l’aquifère, qui est bien fracturé et connecté hydrauliquement, et recouvert d’une couche non saturée épaisse et rigide. L’efficacité barométrique initiale est supérieure à celle calculée en dernier.
Marées terrestres et relevés des capteurs
Illustration 6: Niveaux d’eau dans le lac souterrain (en mètres au-dessus du niveau de la mer – ASL). L’élargissement ci-dessus montre de petites différences cycliques dues aux marées terrestres.
En ce qui concerne les marées terrestres, les données collectées sont encore rares, mais nous pensons qu’il est néanmoins intéressant d’illustrer certaines réflexions. Lorsqu’elles sont inspectées en détail, les courbes présentent un motif en zigzag distinct avec des pointes toutes les 10 à 12 heures (Illustration 6). Ce comportement corrobore des effets de marées terrestres, produisant de légers changements dans le volume des fractures et des pores et donc dans les niveaux d’eaux souterraines. Les séries de Fourier (Shumway, 1988) montre la structure harmonique des trois points d’eau dans l’Illustration 7 et les composantes des marées dans l’Illustration 8.
Illustration 7: Structure harmonique des trois points d’eau.
Illustration 8: Magnitudes des marées des principales composantes harmoniques (valeurs en pieds).
La zone proche du lac Harasib présente les valeurs les plus élevées pour la composante M2, ce qui peut être considéré comme l’indication d’une zone de transmissivité plus élevée (Merritt, 2004). Ce fait est en partie confirmé par la présence d’une fracture allongée (est-nord-est /ouest-sud-ouest) à proximité du lac Harasib.
Remarques finales
Les fluctuations des niveaux d’eau dans les aquifères ne sont pas uniquement dues aux variations de recharge. La pression barométrique et les marées font partie des préoccupations principales. Connaître les variations des pressions barométriques pour un site particulier permet de valider une carte piézométrique ou un test de pompage. Les transducteurs de pression modernes sont reconnus comme extrêmement utiles lorsqu’ils sont installés dans des trous de forage. Les variations des enregistrements selon le type d’aquifère et les graphiques peuvent indiquer le degré de confinement des niveaux surveillés.
Les paramètres utiles qui caractérisent ce comportement sont l’efficacité barométrique et la fonction de réponse barométrique. Cette dernière caractérise un aquifère comme « non confiné » lorsque les valeurs initiales sont élevées, puis proches de 0 sur une réponse à long terme. À contrario, un aquifère est défini comme « confiné / semi-confiné » lorsque les valeurs restent constantes, ou proches de 1 sur une réponse à long terme. Il est parfois nécessaire de supprimer les effets barométriques pour interpréter correctement un test de pompage ou pour dresser une carte piézométrique. Enfin, une analyse particulière des données des niveaux d’eau permet de calculer les composantes harmoniques dues aux marées, et donc certaines caractéristiques hydrogéologiques.
Cette approche théorique a été appliquée aux données recueillies pour l’étude de projet d’un aquifère karstique non confiné dans le nord de la Namibie. Les niveaux d’eau ont été surveillés pendant une période de 10 mois, avec des lectures horaires au moyen de quatre transducteurs. Les données ont confirmé les hypothèses générales retenues lors des études précédentes et ont souligné l’importance de l’utilisation de tels instruments pour l’évaluation des aquifères, en montrant en particulier :
- Le rôle de la recharge dû aux précipitations et à la forte transmissivité autour de la région du lac Harasib.
- La bonne connexion hydraulique et la conductivité de l’aquifère.
- L’absence de couches de confinement (aquifère profond et rigide non confiné).
- L’effet de stockage de la partie non saturée, située au-dessus de la nappe phréatique, qui commence à se drainer lorsque les pluies dépassent 400-500 mm.
- Les autres effets de pression, tels que les marées terrestres, peuvent être mis en évidence à l’aide de transducteurs de niveau d’eau.
Remerciements
Namgrows est l’abréviation de « Namibian Groundwater Systems » (Système namibien de gestion des eaux souterraines), un projet mis en place par l’auteur et le collègue Gérald Favre, avec la participation de géologues et de spéléologues de 4 pays différents (Italie, Suisse, Namibie, Afrique du Sud). Le projet a été soutenu en Namibie par l’ing. Sarel La Cante et son épouse Leoni Pretorius (ferme Harasib).
La société STS – Italia nous a sponsorisés en fournissant les capteurs de niveau d’eau ainsi qu’une assistance technique.
Je souhaite également remercier le Prof. Todd Rasmussen (Université de Géorgie à Athènes) pour ses précieuses observations sur les données, en particulier sur l’efficacité barométrique et les marées terrestres.
Source: Dr. Alessio Fileccia / Consulting Geologist